La loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015 a mis fin au système dual de mode d’exercice des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) pour personnes âgées ou handicapées. Auparavant, les gestionnaires de ces services pouvaient opter soit pour le régime de l’autorisation par le président du conseil départemental, soit pour le régime de l’agrément par la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Ce droit d’option est remplacé par un régime unique d’autorisation imposé à l’ensemble de ces structures exerçant en mode prestataire. Les gestionnaires doivent par ailleurs respecter un cahier des charges national qui vient d’être fixé par un décret du 22 avril 2016. Ceux-ci n’ont plus que quelques semaines pour en prendre connaissance et s’y conformer puisque le texte doit entrer en vigueur le 1er juillet 2016. Ce cahier des charges, qui a fait l’objet d’une concertation entre le ministère des affaires sociales et les professionnels des services à la personne, reprend pour l’essentiel les dispositions du cahier des charges de l’agrément.
Le cahier des charges contient donc les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement applicables aux Saad autorisés, qui interviennent auprès des personnes âgées de plus de 60 ans, des personnes handicapées, mais aussi des familles fragiles.
Pour Vincent Vincentelli, responsable de la réglementation des secteurs d’activité à l’Una (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles), ce décret « permet aux Saad familles conventionnées Caf d’être autorisés au 1er juillet 2016. C’est important car ces services vont pouvoir intégrer le secteur médico-social ». Les autres organisations saluent également cette reconnaissance avec quelques bémols toutefois : « même s’il y a des dérogations prévues pour les Saad familles, on aurait tout de même préféré un cahier des charges spécifique », fait valoir Régis Granet, directeur juridique de la Fédésap (Fédération française des services à la personne, affiliée à la CGPME). Olivier Peraldi, directeur général de la Fesp (Fédération du service aux particuliers, affiliée au Medef), regrette que la liste des activités d’aide sociale à l’enfance (ASE) ne soit pas précisée dans ce décret.
Sur la forme, les professionnels dénoncent la publication tardive du texte : « le décret est paru le 24 avril alors que nous l’attendions début janvier. Il doit s’appliquer au 1er juillet, c’est un peu dommage nous avions six mois, maintenant il ne nous en reste plus que deux », déplore Didier Duplan, directeur général adjoint d’Adessadomicile. Les difficultés ne sont pas tant du côté des structures, qui si elles adhèrent aux fédérations professionnelles ont déjà toutes plus ou moins été sensibilisées, que du côté des conseils départementaux : « les Saad vont certes devoir appliquer ce cahier des charges mais il revient aux collectivités territoriales d’en suivre la bonne mise en oeuvre. Autant pour les Direccte, c’était totalement maîtrisé, autant pour les départements, c’est quelque chose de nouveau », observe ainsi Didier Duplan.
« Nous ne sommes pas surpris par le contenu du texte, globalement il nous convient puisqu’il reprend en grande partie le cahier de charges de l’agrément comme s’y était engagé le cabinet de Laurence Rossignol, mais la publication tardive du cahier des charges a bloqué le traitement des dossiers depuis le début de l’année », note ainsi Olivier Peraldi (Fesp).
« C’est presque un copier-coller du cahier des charges de l’agrément », renchérit Laurent Giroux, directeur de la société coopérative Effiscience, qui regrette néanmoins que le gouvernement n’ait pas profité de l’occasion pour opérer une « mise à jour » en supprimant par exemple les dispositions concernant la liste des personnes qualifiées, obligation prévue par loi 2002-2 mais « qui n’a jamais été respectée », notamment par les départements qui n’ont pas joué le jeu.
Si tous observent de grandes similitudes avec le précédent cahier des charges, certaines nouveautés inquiètent. Tel est le cas de l’obligation de partage d’informations. Selon Régis Granet (Fédésap), « aujourd’hui, aucun Saad n’est en capacité d’assurer cette obligation. C’est fort louable mais c’est aussi très contraignant. Pour que ce soit effectif, il faudrait en passer par des solutions numériques – du type tablette – et se pose alors le problème du financement ». Vincent Vincentelli (Una) n’exprime pas les mêmes craintes à l’égard de ces dispositions qui reprennent celles de la loi santé : « Nous y étions favorables. Les Spasad impliquent par exemple un décloisonnement de l’échange d’informations ».
Plus globalement, le directeur juridique de la Fédésap pointe l’amoncellement des contraintes administratives : « on a complexifié plus que simplifié le système ». L’ancien cahier des charges de l’agrément demeure opposable aux Saad agréées, ceux nouvellement autorisés se voient opposer un nouveau cahier des charges, « ce qui veut dire qu’un Saad peut avoir deux cahiers des charges s’il est à la fois agréé et autorisé ». A cela s’ajoute l’obligation d’appliquer la « charte nationale qualité des services à la personne », sans compter les évaluations, les recommandations de bonnes pratiques de l’Anesm… « C’est redondant, et il n’est pas prévu de correspondance ou d’équivalence. Nous regrettons que notre souhait d’un cahier des charges unique n’ait pas été retenu, les Saad doivent désormais compulser trois à quatre documents ! », analyse Régis Granet. Même son de cloche à l’Una où l’on déplore cet « empilement, ce manque d’articulation ». « Il y a un vrai questionnement sur les modalités d’application du cahier des charges », souligne Vincent Vincentelli.
Les acteurs attendent par ailleurs avec impatience le décret qui doit fixer la liste des activités relevant de l’agrément ou de l’autorisation car il subsiste un doute sur le sort de certaines d’entre elles : accompagnement véhiculé d’une personne âgée, garde malade, interprétariat en langue des signes, etc.
Au-delà des ajustements techniques, certains dénoncent le manque d’ampleur de la réforme. Pour Vincent Vincentelli (Una), « il était évidemment nécessaire d’uniformiser les régimes juridiques, c’était un préalable indispensable. Mais on aurait aimé que la loi aille plus loin (est-ce que l’heure est toujours une référence légitime par exemple ?) et traite véritablement du financement, c’est l’enjeu d’avenir ».
Didier Duplan (Adessadomicile) constate lui aussi que « l’on n’a pas complètement réglé la question de la dualité des régimes », faisant ici référence aux Saad anciennement agréés ayant basculé dans l’autorisation sans pour autant être habilités à l’aide sociale (donc non tarifés) : « les conseils départementaux n’ont pas plus de moyens qu’avant, donc ils ne tarifient pas davantage qu’avant. Nous restons au milieu du gué, entre deux systèmes ». Il regrette l’absence de véritable refonte de l’aide à domicile : « les personnes aidées n’ont pas de réponse plus cohérente qu’auparavant. En dépit des améliorations annoncées de leur reste-à-charge, tout cela reste parcellaire. La Casa [contribution de solidarité pour l’autonomie] est bien loin de combler les besoins ! »
Le décret entre en vigueur au 1er juillet 2016. Toutefois, il est prévu que la Direccte demeure saisie des demandes d’agrément, en cours d’instruction à cette date, formées par des services d’aide à domicile exerçant auprès des familles fragiles (Saad familles). Si un agrément leur est accordé à l’issue de cette instruction, il emporte application des dispositions de la loi ASV, c’est-à-dire qu’ils sont réputés détenir une autorisation ne valant pas habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale.
Autre régime transitoire qui concerne cette fois les exigences de qualification : les professionnels chargés de la direction d’un ou plusieurs services réputés autorisés (anciennement agréés), en fonction à la date de publication du décret (24 avril 2016), et qui ne justifient pas des qualifications exigées par le code de l’action sociale et des familles, disposent d’un délai de dix ans pour obtenir ces qualifications. Une durée qui peut être allongée si les intéressés ne justifient pas de l’ancienneté de trois ans nécessaire pour s’engager dans un parcours de validation des acquis de l’expérience.